Je me met à travailler. On dirait que les souris ne dansent plus. Oui, le grand chef fait des apparitions à des horaires impromptus (quand la souris a envie de piquer un roupillon après le déjeuner…), donc je me dois d’avoir l’air éveillée alors que la sieste me tend les bras (chaleur tropicale dans mon bureau, versus froid glacial dehors…).
Bref, des idées viennent, forcément.
Disons que j’ai enfin bouclé la phase numéro 1 de la retranscription de mes entretiens, celle sur la consommation des programmes de télé asiatique au Japon, et que j’ai soumis quelques idées au patron hier. Idées appréciées, à rediscuter aujourd’hui. J’aimerais collaborer à la rédaction de cet article, sur le paysage audiovisuel en Asie, et plus particulièrement l’importation de programmes télévisés asiatiques dans les pays asiatiques. Ça pourrait bien sûr m’aider à mûrir mon projet de thèse si la thèse me tente toujours ( ?) sur le thème de « consumption of pop culture commodities in North-East Asia and the emergence of a epistemic community in Asia », où, pour faire original, au départ, on part un peu d’un ruminage/recyclage/assimilation de Papa Habermas et Benedict Anderson, pour arriver à je ne sais quoi. Enfin, si, un truc européaniste un poil, sur la nécessité d’une communauté de sens, pour permettre l’émergence d’une communauté politique en Asie (et youpla, un petit poil de Stefan Collignon, chapitre 4 de son merveilleux cours de politique financière et budgétaire de l’Union Européenne, à ceux à qui ça rappelle des souvenirs…) etc etc. Ce qui signifie qu’il serait temps que je me mette au mandarin, à moins que je trouve des victimes anglophones pour mes prochains entretiens… Mes neurones ont constaté combien il est facile et rapide de rouiller. Par l’odeur alléchée, la souris a piqué quelques livres « théoriques » sur la télévision asiatique, posés en pile sur bureau de grand chef. Et puis, comme dirait mon ancien maître de mémoire, les livres, c’est bon pour ma santé mentale, ça me donne une armature théorique qui me fait cruellement défaut itou itou. Sauf que là, la lecture avance à deux à l’heure… On voit que consommer de la télévision à haute dose pendant mes vacances (même deux épisodes de Winter Sonata, c’est pour dire…) a été drôlement nuisible pour mes neurones. Il est temps de passer à la vitesse supérieure…
Qu’est ce qui émerge de tout ça ??
Bien. Tout d’abord, hier, passé ma journée à naviguer sur le net à la recherche de blogs de fans de Corée au Japon (yen a un petit paquet, rassurez vous, donc pas de chômage pour la souris). Résultat surprenant de cette recherche. Les hommes bloggent, et je dirais même, pas des tous jeunes (genre des quarantenaires, ou des cinquantenaires. Enfin, si je dis ça, je risque de me faire cramer par mes chefs alors chut). Pas honte pour un sous de déclarer leur flamme pour les séries télé coréennes, si si, (genre, j’adoooore Dae Jang Geum, connu sous le nom de Changgumu au Japon). Donc aujourd’hui j’ai eu confirmation empirique de ce que m’avait dit la productrice de NHK, que la vague coréenne touchait aussi les hommes à cause de la gastronomie et du côté historique de la série Dae Jang Geum (non, ce n’est pas le physique de l’actrice qui fait la différence).
Autre projet d’article donc, à soumettre à grand chef aujourd’hui (aujourd’hui on fait tout valider avant son congé aux states pendant quelques semaines) : « Communities of a Rebirth : networks of Japanese fans consuming Korean dramas ». Où il est question de l’originalité du marché japonais pour le hanryu (la vague coréenne), à savoir des fans pas toutes jeunes pour des séries qui ailleurs en Asie plaisent d’abord et avant tout à des fans de mon âge, voir un poil plus âgés. Pourquoi je parle de rebirth, me direz-vous ? Il faut dire que le hanryu provoque un rajeunissement chez ces dames, qui se retrouvent projetées dans leur enfance et leur adolescence dans leurs têtes. Si si, je vous jure. J’ai des extraits d’entretien qui le prouve ! Rebirth aussi parce que le hanryu les réconcilie avec la télévision (voire les vampirise), parce que jusque là, la télévision japonaise avait quelque peu désavoué cette frange de la population. Le hanryu permet aussi à ces fans de ‘redevenir humain’, d’exprimer des émotions jusque là refoulées, niées. Dans une société connue pour sa réserve, sa timidité à exprimer les sentiments, cela s’apparente à une petite révolution en soi à mon sens.
D’autre part, face à des relations sociales parfois en berne dans la société japonaise, la passion pour ces séries télévisées mène à la création de nouveaux réseaux de sociabilité, passant par les blogs, les fans clubs et les réunions de fans mensuelles (pour un repas, et un visionnage de DVD généralement).
Bref, au lieu d’une adoration à la otaku (je suis dans mon coin, et je consomme tout seul), on se trouve face à une adoration à la pyong (terme coréen, pour ces fans avides d’échanges d’information etc).
Bref, aussi trivial qu’il puisse paraître, la série télévisée coréenne pourrait ainsi assurer une fonction cathartique. Maintenant, après ces quelques paragraphes pleins de neutralité axiologique (si si, n’est ce pas formidable… je deviens une grande fille), passons à la critique.
Il est –bien sûr- parfois dérangeant d’interviewer ces dames fans de séries coréennes. Je ne le cache pas, moi ça me paraît étrange de voir ces dames s’amouracher de Coréens qui ont l’âge de leur propre fils. Elles le disent elles même. Nous sommes à la fois maman et amante de ces Coréens. Qu’on se le dise. Œdipe où es tu ? Et quand je parle de retour en enfance, c’est parfois brutal. Il faut voir ces liesses de femmes attendant leurs stars à l’aéroport de Narita (je n’y vais pas bien sûr, mais les infos sont là pour retranscrire ce genre de chose) ou lors des fans events (là oui, pour avoir fait des enquêtes de terrain pendant le fan event de Lee Byung Hun…)
Enfin, le marché japonais pour les dramas et les films coréens, vous vous en doutez, c’est une poule aux œufs d’or pour les exportations coréennes. Donc, maintenant, l’offre coréenne pourrait être déterminée par la demande japonaise en terme de contenu. Ce qui, à mon sens, pourrait présenter un risque pour la qualité future de la production coréenne. Parce que, ce qui plait dans les films et les séries coréennes notamment, c’est le rythme, lent. Je m’en suis bien sûr décroché plusieurs fois la machoire (notamment pour Eraser in my head et April Snow, summum d’ennui). Quand certains dialogues sont spécialement taillés pour plaire à une audience japonaise, pour moi ça commence à devenir problématique (je pense à Bae Yong Joon disant à l’actrice dans April Snow : « tu es une femme au foyer, mais tu sais, c’est formidable comme activité», ce qui a dû bien sûr tomber droit dans les cœurs de milliers de fans japonaises pour qui « Yoon, il sait parler aux femmes », je pense à Lee Byung Hun dont le film n’a pas fait un chiffre formidable et n’a pas reçu des critiques top mais qui a fait un carton au Japon). Le cinéma n’est pourtant pas là pour caresser les spectateurs dans le sens du poil non ? Enfin, ceci m’est personnel, et c’est encore mon vilain côté élitiste qui ressort. J’oublie que c’est l’entertainment qui fait augmenter les ventes…
Me reste encore à boucler cet autre article, sur « Taming the Hatred/Beloved : the Representation of the Otherness in Entertainment Programmes and Commercials, the Korean Japanese case”. J’ai l’impression que ça va être un éternel work-in-progress. Je guette la télévision coréenne depuis que Kimura Takuya est apparu dans une publicité pour Nikon en Corée, voir si d’autres n’apparaîtraient pas (deux heures de regardage de télé quotidienne, c’est bon pour mon apprentissage de la langue)… Un Kusanagi de SMAP pourrait pourtant faire l’affaire, il parle coréen… Mon corpus commercials japonais stagne, la période des fêtes a été néfaste pour le couple Yoon-Lotte, que de pubs Lotte avec des patineuses, retombées de Turin obligent. Mon corpus entertainment augmente à mes dépends. Bistro SMAP (une émission où ce boysband vieux comme le monde –d’ailleurs, son démantèlement est prévu pour fin 2007- invite des personnalités à prendre un repas cuisiné par leurs soins) s’amuse à inviter des stars coréennes quand je ne suis pas devant la télé au Japon. Donc, pas vu Lee Young Ae (diffusée 4 jours après mon départ) ou Seong Sun Hung (diffusé un jour avant que j’arrive). Pas vu non plus Rain Pi (enfin, si, merci le téléchargement, mais comme ceci m’a valu quelques cookies sur mon ordi, j’arrête…). Voili voilou. C’est donc un éternel recommencement, une tache sans fin… mais bon, on s’accroche. D’ailleurs, je vais vous laisser, et retourner au travail… La suite au prochain numéro
Thursday, January 25, 2007
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2 comments:
très chouette ton blog,
mais en tant que victime de la fracture culturelle je reste sur le carreau quand tu parles de je ne sais quoi "axiologique"...
Coucou Nonor,
Neutralité axiologique fait référence à Max Weber. Ce sacro saint concept est étudié et intégré dès la première année à Pipoland (alias Sciences Po), et bien sûr qu'on me l'a chanté sur tous les tons pendant mes années de master recherche, donc perso ça m'allait de soi. A l'avenir donc, moins de jargonnage. D'habitude je déteste ça, quand mes potes (from Pipoland) commencent à se bourdieutiser dans leur langage... D'ailleurs, je lutte farouchement vers une simplification du langage scientifique en sciences sociales (n'est ce pas, ami Boileau... ce qui se conçoit clairement...)
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